Quand j’avais 15 ans, j’ai fait un exposé sur le féminisme. Le MLF, ni pute-si soumise, la contraception… tout y était passé. A l’époque, je ne comprenais pas bien ce que la contraception et l’avortement venaient foutre là-dedans alors que pour moi le féminisme c’était avant tout prendre son indépendance par rapport aux hommes, se battre contre eux. Puis j’ai grandi et j’ai compris que le féminisme c’était aussi prendre son indépendance tout court. Récemment, j’ai lu « King-Kong Théorie » de Virginie Despentes. Je l’ai acheté comme tous les autres bouquins de Virginie Despentes que j’ai lus, c’est-à-dire par curiosité, parce que c’est trash, direct, incisif, contemporain. Je ne savais pas qu’il s’agissait d’un manifeste féministe.
Mon rapport au féminisme et aux féministes est ambigu. Je lis beaucoup de choses là-dessus, pour essayer de comprendre, de me faire une idée déterminée, franche, claire et précise mais je n’y arrive pas. Je ne peux pas être contre leurs revendications pour la plupart. Oui c’est injuste que les femmes aient un salaire moins élevé. Oui le viol est trop souvent banalisé et on remet trop souvent en cause les victimes. Oui ce n’est parce qu’une fille se balade en mini-jupe que c’est une pute. Oui l’excision c’est dégueulasse. Les combats sont nombreux et souvent légitimes. Maintenant, je trouve aussi que les moyens employés, les façons de faire, les arguments sont souvent mauvais, (et je ne me base pas juste sur La Barbe pour dire ça) …
J’ai un peu de mal avec le côté revanchard des féministes. Puis pour certaines d’entre elles, dès qu’on ose se maquiller, porter les attributs de la féminité, qu’on n’a pas subi d’agressions sexuelles, on est tout de suite moins légitimes. Après, les mouvements sont divers et aucun ne se ressemble, les mettre tous dans le même sac serait injuste.
J’ai aimé dans ce livre sa réflexion sur la prostitution et la pornographie qui dérangeraient parce que justement on y voit des femmes « libres » et contrôler leur sexualité.
Paradoxalement, ce qui m’a le plus plu dans le livre, c’est les passages sur les hommes. Je trouve qu’au final les femmes ont plus de libertés que les hommes (je sens que je vais me faire lyncher pour ce genre de propos). Certes, on gagne moins qu’eux, on doit se battre plus dur parfois pour arriver à ce que l’on veut mais du haut de mes 22 ans il ne me semble pas avoir déjà été « remis à ma place » juste parce que je suis une femme, je fais des études, j’ai droit à la contraception sans que personne n’y trouve rien à redire, je peux payer le resto à mon copain sans que personne ne trouve ça choquant, j’ai été présidente d’association, j’ai mon compte en banque, je porte des jupes sans me faire traiter de pute. Tout cela n’est pas que le fait d’une génération mais aussi d’un milieu social on est bien d’accord. J’ai quand même l’impression d’être plus libre que les hommes. J’ai la liberté de porter des mini jupes, de devenir mère si ça me chante, d’avoir un congé pour les élever, de pleurer devant les films et de me blottir dans les bras de mon copain quand j’ai peur, de donner le sein et de devenir femme d’affaires, d’être sexy, mais de me balader aussi en jogging le dimanche, de boire la bière et de roter, d’aimer le vernis, les bijoux… Certes, tout ça n’est pas évident et on en demande beaucoup aux femmes. Mais les hommes ont cette image de la « virilité » collée aux basques : un homme ne pleure pas, un homme doit être autoritaire, un homme doit avoir des couilles, les hommes ne doivent pas être faibles, ne doit pas se maquiller, se coiffer. Tout cela est en train de changer mais c’est dur, même moi je suis la première à dire que je ne supporterai pas d’avoir un homme qui passe plus de temps que moi dans la salle de bain et je ne peux m’empêcher de traiter de tarlouze un homme qui reconnaît avoir mal, les métrosexuels, les mecs avec des chemises roses. C’est mal, c’est insultant envers les homosexuels et envers toute cette nouvelle génération d’hommes qui revendiquent leur coté femme, mais j’ai grandi comme ça.
Puis, dans le fond il y a une toute petite partie de moi qui ne peut s’empêcher de penser que « chacun doit rester à sa place », il ne s’agit pas ici de mettre la femme à la cuisine et l’homme au boulot, ce serait aller contre ce pourquoi je me lève tous les matins. Je ne peux juste pas m’empêcher de penser que les hommes et les femmes sont différents, que nous avons des différences et plutôt que d’essayer de les gommer, il faudrait peut-être les cultiver.
Je revendique également mon droit à être midinette quand bon me chante, sans qu’une horde de féministes me tombent dessus. Oui j’aime les vêtements, j’aime me maquiller, j’aime le vernis, les magazines féminins, j’aime blablater sur les hommes pendant des heures, j’aime les chaussures, j’aime les potins, les musiques de Britney Spears et Shakira … Est-ce que ça fait de moi quelqu’un de moins légitime à défendre mes droits et à faire de longues études ?
J’aimerai aussi qu’on arrête de voir de la domination masculine partout.
Bref, je mélange un peu tout, peut-être qu’un jour j’aurais un avis bien défini sur le féminisme et les féministes, en attendant merci Virginie Despentes de me faire réfléchir.
J’aurais pu m’arrêter sur chaque passage finalement, y réfléchir, la contredire mais j’ai préféré tout lire d’une traite et remarquer les passages avec lesquels j’étais d’accord pour une fois (et ils sont peu nombreux).
« Car la virilité traditionnelle est une entreprise aussi mutilatrice que l’enseignement à la féminité. Qu’est-ce ça exige au juste être un homme, un vrai ? Répression des émotions. Taire sa sensibilité. Avoir honte de sa délicatesse, de sa vulnérabilité. Quitter l’enfance brutalement et définitivement : les hommes-enfants n’ont pas bonne presse. Etre angoissé par la taille de sa bite. Savoir faire jouir les femmes sans qu’elles sachent ou veuillent indiquer la marche à suivre. Ne pas montrer sa faiblesse. Museler sa sensualité. S’habiller dans des couleurs ternes, porter toujours les mêmes chaussures pataudes, ne pas jouer avec ses cheveux, ne pas porter trop de bijoux, ni aucun maquillage. Devoir faire le premier pas, toujours. N’avoir aucune culture sexuelle pour améliorer son orgasme. Ne pas savoir demander d’aide. Devoir être courageux, même si on n’en a aucune envie. Valoriser la force quel que soit son caractère. Faire preuve d’agressivité. Avoir un accès restreint à la paternité. Réussir socialement pour se payer les meilleures femmes. Craindre son homosexualité, car un homme, un vrai, ne doit pas être pénétré. Ne pas jouer à la poupée quand on est petit, se contenter d’armes en plastiques supermoches. Ne pas trop prendre soin de son corps. Etre soumis à la brutalité des autres hommes sans se plaindre. Savoir se défendre, même si on est doux. Etre coupé de sa féminité, symétriquement aux femmes qui renoncent à leur virilité, non pas en fonction des besoins d’une situation ou d’un caractère, mais en fonction de ce que le corps collectif exige. »
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